Chloe Sassi

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« Le corps prend possession du temps (...) fait le temps au lieu de le subir »
Merleau-Ponty, Phénoménologies de la perception, 1945


« L’efficacité de l'art ne consiste pas à transmettre des messages, donner des modèles ou des contre-modèles de comportement ou apprendre à déchiffrer les représentations. Elle consiste d'abord en disposition des corps, en découpage d'espaces et de temps singuliers qui définissent des manières d'être ensemble ou séparés, en face ou au milieu de, dedans ou dehors, proches ou distants »
Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, 2008


J’aspire à créer des expériences des expériences qui ouvrent à d’autres façons de sentir et d’être ensemble. Dans cette perspective, pour moi le but de l'artiste comme du public est de chercher des multiples possibilités d'éprouvés sensibles. Je veux investir l’art comme laboratoire pour d’autres modes d’être au monde, lesquels s’ancrent d’abord dans le corps.


Je conçois mon travail de la performance en développant des stratégies pour impliquer l’audience de manière corporelle (SOMME SENSIBLE). Je cherche à rendre le public “actif”, à lui rendre son agentivité par le biais des sens. Je crois à une nouvelle forme de médiation artistique qui soit d’abord corporelle, esthétique au sens étymologique du terme : dans la sensation.


D’une autre manière, j’utilise la photographie et la vidéo en tant que prétexte pour générer des situations d’intensité sensorielle entre des personnes et des lieux. Le travail en lui-même n’est plus ici une invitation directe à la présence, il en constitue la trace visuelle. Ma pratique de l’image s’inscrit ainsi dans la fine frontière entre documentaire et mise en scène.


Pour cela dans mon processus créatif, je cherche d’abord à constituer un écosystème relationnel, de construire des liens au sein d’un groupe. J’aime travailler in-situ, à partir des forces en présence en considérant le paysage comme fonction immersive. Je cherche à déployer un espace où « sentir ce qui est nous et hors de nous ». J’ai ainsi souvent recours à des exercices écosomatiques : j’essaye d’emmener mes interprêtes dans un état altéré, une forme d’hyper-présence jusqu’à ce qu’émerge une action spontanée, un jaillissement. Ce jaillissement est d’abord une rencontre avec l’entour (SABLE CULTE, INTERSPACES). Comment rentrer en contact avec l'autre et avec l’environnement ?


Je pense que l’art doit contribuer de manière concrète à développer ce que Guattari nomme une « nouvelle écologie mentale » : porter une révolution sensible, qui passe d’abord par une attention à l’espace et à l’autre.



Interspaces, video 28’’, 2022